Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22, 34-40
En ce temps-là, les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
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Un cœur qui aime le Seigneur se dilate pour aimer les autres
Quel est dans la loi le plus grand commandement ? Tous le connaissaient : selon les rabbins d’Israël était le troisième, celui qui prescrit de sanctifier le Sabbat, parce que Dieu lui-même l’a observé (Gn 2, 2). La réponse de Jésus, comme d’habitude, déplace et va bien au-delà de la question : il ne cite aucune des dix paroles, il place au contraire au cœur de l’évangile ce qui est au cœur de la vie : « tu aimeras », qui est désir, attente, prophétie de félicité pour chacun.
Les lois qui régissent le monde spirituel sont les mêmes que celles qui régissent la vie. Comme le soulignait le pape François dans son exhortation apostolique post synodale Evangelii gaudium : « …quand on réussira à exprimer adéquatement et avec beauté le contenu essentiel de l’Evangile, ce message répondra certainement aux demandes les plus profondes des cœurs… » (265). Rien n’est authentiquement humain qui ne trouve pas un écho dans le cœur de Dieu.
« Tu aimeras », dit Jésus, utilisant le verbe au futur, comme une action qui ne se conclue jamais.
Aimer n’est pas un devoir mais une nécessité pour vivre. Alors que dois-je faire demain pour être encore en vie ? Tu aimeras.
Que ferais-je année après année ? Tu aimeras.
Et l’humanité, son destin, son histoire ? Seulement ceci : l’homme aimera.
Et tout est dit. Nous jetons là un regard sur la foi ultime de Jésus : il croit en l’amour et il fonde le royaume sur l’amour.
« Tu aimeras Dieu de tout ton cœur ». Cela ne signifie pas que nous devons aimer Dieu en exclusivité et personne d’autre, mais cela signifie que je dois l’aimer sans demi-mesures. Et tu verras qu’il reste de la place dans le cœur, même qu’il grandira et qu’il se dilatera, pour pouvoir aimer son mari, son fils, sa femme, son ami, le pauvre. Dieu n’est pas jaloux, il ne vole pas le cœur, il le dilate.
« Tu aimeras de tout ton esprit ». L’amour est intelligent : si tu aimes, tu comprendras mieux et en profondeur et au-delà des limites de la raison. J’aime beaucoup ce proverbe anglais qui dit « clarity, charity » : clarté, charité. La clarté s’atteint en parcourant la voie de l’amour.
Ils lui ont demandé le commandement le plus grand et lui au contraire en donne deux. La vraie nouveauté ne consiste pas d’y avoir ajouté l’amour du prochain, ce précepte est déjà présent dans la Loi. La nouveauté se trouve d’avoir relié ces deux commandements, ensemble, Dieu et le prochain, devenant ainsi une seule parole, un unique commandement. Il dit en effet : « le second lui est semblable ». « Tu aimeras l’homme » est semblable à « Tu aimeras Dieu ». Le prochain est semblable à Dieu, le frère a le visage, la voix et le cœur semblables à Dieu. Son cri est à entendre comme une Parole de Dieu, son visage comme une page du Livre saint.
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Voilà un troisième commandement qui est trop souvent oublié et pourtant essentiel : s’aimer soi-même, aimes-toi comme un prodige de la main de Dieu, comme une étincelle divine. Si tu ne t’aimes pas toi-même, tu seras incapable d’aimer authentiquement l’autre, tu ne feras alors que prendre et accumuler, fuir ou violer, sans aucune joie ni intelligence ni étonnement.
Bon dimanche
Fr. Thierry, O.SS.T.