En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
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Nous aussi nous sommes comme Bartimée des aveugles et des mendiants
Un mendiant aveugle : le dernier de la file, un naufragé à vie, une épave abandonnée dans le noir et dans la poussière d’une route de Palestine. Puis soudain tout se met en mouvement : Jésus passe et c’est comme un petit tourbillon, le moteur de la vie se rallume, un vent d’avenir souffle.
Bartimée se met à crier : Jésus, prends pitié. C’est, de toutes, la prière la plus chrétienne, la plus évangélique et la plus humaine. Dans nos liturgies, malheureusement ce cri s’est cantonné à l’acte pénitentiel. Ici, il n’est pas question de demander pardon. Quand dans l’Evangile, les aveugles, les lépreux ou les femmes crient « aie pitié de nous », il faut libérer toute l’imagerie splendide qui sous-tend cette expression qui rappelle entre-autre le sein maternel, la vie engendrée et renaissante. La miséricorde de Dieu comprend tout ce qui est nécessaire à la vie de l’homme.
Bartimée ne demande pas la miséricorde pour ses péchés, mais pour ses yeux morts. Il invoque celui qui donne la vie en abondance : montre-toi comme un père, comme une mère de ce fils qui a fait naufrage, redonne-moi naissance !
La foule veut bloquer son cri : Tais-toi ! Tu perturbes ! C’est terrible de penser que la souffrance n’a pas sa place devant Dieu, que la douleur dérange. Mais c’est toujours encore le cas, nous avons tellement ritualisé la religion et le culte qu’un moindre cri imprévu perturbe. Mais la vie n’est-elle pas un continu non programmé ? La vie n’est pas un rituel. En l’homme, il y a un gémissement, dont nous avons perdu l’alphabet.
Au lieu de cela, Jésus s’arrête et entend. Il répond à ce cri et toute l’énergie de la vie est libérée. On le remarque aux différents gestes décrit avec excès : Bartimée ne parle pas, il crie ; il n’enlève pas son manteau, il le jette ; il ne se lève pas, il bondit, il court. Oui la foi apporte avec elle un bond en avant, ouvre grandes des portes. Croire, c’est accueillir et acquérir la beauté de vivre.
Bartimée guérit en homme plus qu’en aveugle. Il guérit de cette voix qui le caresse : quelqu’un l’a remarqué, quelqu’un le touche, ne serait-ce que d’une voix amicale, et il sort de son naufrage humain et devient un homme à part entière comme les autres. Il est appelé avec amour et alors sa vie se rallume, il bondit, il se précipite, même sans voir, vers une voix, guidé par une bonne parole qui vibre encore dans l’air. Ressentir que quelqu’un nous aime nous rend forts.
Bon dimanche
Fr. Thierry, O.SS.T.